Comprendre la faillite de l’aide publique au développement en Afrique noire francophone

Dans une série de publications nous allons essayer de présenter l’aide au développement et essayer de montrer pourquoi elle ne marche pas. Il faut bien le dire, cette aide à l’Afrique ne fonctionne pas, Nous allons nous attarder plus sur la responsabilité de l’Afrique noire. Cela ne veut pas dire que l’occident est exempt de toute responsabilité dans cette faillite de l’aide. il a une responsabilité et cela ne fait aucun doute. Mais il faut aussi souligner et c’est important, la responsabilité des pays africains dans cette faillite. Dans cette étude, nous nous limiterons seulement à l’Afrique noire francophone. Notre souhait est de susciter une réflexion sur cette problématique. Nous reconnaissons d’emblée que notre vision sur la situation est incomplète, nous espérons cependant qu’elle puisse constituer une base pour la réflexion pour quiconque nous suit.

L’aide au développement est un concept qui date des années cinquante et dont le but est de porter assistance aux pays du sud c’est-à-dire pays en voie de développement afin de les sortir de la situation de misère dans laquelle ils vivent. Après soixante années d’existence, on peut globalement parler d’échec quand au but, parce que non seulement elle n’a pas permis à ces pays de sortir de la misère, mais ces pays se sont plus appauvris. Pourquoi l’aide publique, au lieu de supprimer la misère est-elle devenue un des vecteurs de cette misère?

Les pays de l’Afrique noire francophone comptent parmi les plus pauvres de la planète. Ils sont pour la plupart des pays qui vivent sur la charité des pays du nord. La première caractéristique commune à ces pays est le fait que l’aide au développement joue un rôle essentiel dans l’établissement des politiques économiques et sociales. Ce que l’on appelle communément aide au développement peut être classée en trois grandes catégories suivant ces sources. Elle peut provenir d’un état ou un groupe d’états, d’un organisme ou d’une fondation, d’une entreprise ou d’un particulier. Dans le cadre de notre étude nous nous limiterons uniquement sur l’aide bilatérale autrement dit l’aide publique au développement provenant uniquement d’un pays ou au mieux d’un groupe de pays. En fait, cette aide qui est très hétéroclite, est la plus importante et constitue la base même du développement de ces pays. Cette attitude qui consiste à asseoir son développement sur la charité d’un autre pays est en elle-même un frein au développement[1]. En effet, il nous semble irrationnelle pour un état qui plus indépendant, de baser sa prospérité, son épanouissement, ou sa liberté sur l’altruisme ou l’humeur d’un autre pays ou d’une organisation. C’est en partie pour cela qu’aujourd’hui tout le monde s’accorde à dire que l’aide n’a pas été profitable à l’Afrique en général et qu’il faudrait la repenser.

Depuis la période des indépendances soit il y a une cinquantaine d’années, non seulement ces aides n’ont pas réussi à éradiquer la pauvreté, mais elles ont contribué à son expansion à tel point qu’on les qualifie ironiquement aujourd’hui non plus de « pays sous développés » ou de « pays en voie de développement », mais de « pays en voie de sous-développement ». C’est le même constat que fait d’ailleurs l’économiste Dambisa Moyo[2] « Plus de deux mille milliards d’aide étrangère ont été transférés vers des pays pauvres au cours des cinquante dernières années, l’Afrique étant, et de loin, la principale bénéficiaire de cette manne. Or, quels qu’aient été les motifs qui ont inspiré ces dons l’aide n’a pas été à la hauteur de ses promesses d’assurer une croissance économique durable et de réduire la pauvreté ». On pourrait évidemment voir cette progression de la pauvreté sous l’angle des donateurs et parler d’une aide inadaptée et d’une conditionnalité de l’aide empêchant tout développement. Mais on pourrait aussi la voir sous l’angle exclusif de ces pays de l’Afrique noire francophone qui sont les seuls responsables de ne pas avoir su gérer cette aide. Cette deuxième vision est plus en accord avec notre pensée, car il faut bien le dire, à quoi servirait-il de venir en aide à un nécessiteux si ce dernier n’a pas conscience de son état ou s’il n’a pas un désir réel de sortir de sa situation?

Nous partons de deux postulats : « la main qui donne est toujours au dessus de la main qui reçoit » cela suppose qu’on ne peut parler d’aide qu’en présence d’un donateur et d’un receveur. Le donateur est toujours dans une position dominante. Le receveur est dans une position de faiblesse mais possède un levier important; celui-ci consiste à accepter ou à refuser l’aide qui lui est octroyée. Notre deuxième postulat, relatif à l’assisté ou receveur, suppose que ce dernier est soit dans une incapacité temporelle ou incapacité permanente. L’incapacité temporelle suppose que l’assisté a besoin d’un coup de pouce afin de se sortir de l’impasse et reprendre sa destinée en main. L’incapacité permanente en faite est un handicap, puisqu’elle suppose une aide permanente. Les pays d’Afrique noire francophone sont-ils dans une incapacité temporelle ou permanente? Nous ne pensons pas que l’Afrique, ce mendiant assis sur une mine d’or, est atteinte d’une incapacité permanente au point où elle ne peut véritablement plus être artisane de son développement. En fait nous nous souscrivons à l’idée que l’Afrique noire francophone peut se sortir de la pauvreté si elle accepte de se prendre en main. Cela suppose un travail douloureux qui consiste à faire le choix de certaines valeurs nécessaires au développement parmi lesquelles la lutte contre la corruption. Il faut donc un changement radical de mentalité, éviter la culture de la non responsabilité et les jérémiades qui consistent à trouver dans l’occident qui est en fait le donateur, le seul responsable de notre pauvreté. Il existe plusieurs raisons qui expliquent la végétation de cette région du monde dans la pauvreté et une de ces principales raisons est la corruption. Ici la corruption est prise dans son sens premier c’est a dire celui de la perversion.

Par corruption de l’aide publique au développement nous entendons donc parler de l’altération ou mieux de la perversion de l’idée originale de l’aide au développement. Le but ou la finalité de l’aide qui est le développement et donc la fin de la pauvreté est minée par la corruption. Et ce développement que nous assimilons à la lutte contre la pauvreté ne peut être atteint, parce que cette finalité a été dénaturée par la qualité de l’aide. Nous sommes d’accord que la corruption nécessite un corrupteur et un corrompu, mais dans cet exposé nous nous arrêterons sur le corrompu africain qui peut être un excellent corrupteur suivant les situations. Nous ne nous attarderons pas sur la corruption des pays donateurs pour la raison que l’aide qu’ils accordent est par essence altruiste. On pourrait, en toute logique et avec raison nous opposer le fait qu’une aide n’est jamais altruiste et que d’une manière générale se sont les conditions qu’imposent les pays riches pour l’octroie de l’aide qui constitue une corruption et donc un frein au développement. Ceci est vrai dans une certaine mesure, mais alors nous reviendrons sur notre premier postulat à savoir que le receveur de l’aide dispose toujours de sa liberté de dire oui ou non à l’aide.

Pour bien mener ce travail, il nous faut révisiter le concept de développement et l’aide au développement comme moyen de finir avec le sous-développement. Il s’agit ici de voir comment le concept a pris forme et de parler de son évolution spatiotemporelle. Notre cadre est l’Afrique noire francophone, mais il se peut que nous sortions de ce cadre, et ce serait alors pour faire une analogie ou une comparaison. La dernière partie de cet exposé sera consacrée aux moyens que nous jugeons nécessaires pour vaincre la pauvreté dans ces pays. Cette partie sera brève et laissera plusieurs sur leur soif. Ceci est délibéré mais s’inscrit dans le cadre que nous nous sommes fixé. En effet, nous avons affirmé qu’on pouvait expliquer l’échec de la lutte contre la pauvreté en Afrique de plusieurs manières dont la corruption. Il nous semble donc logique de ne pas rechercher des solutions globales ou globalisantes pour le problème, si ce n’est qu’un aspect du problème qui a été étudié.

Nous sommes d’avis que résoudre la problématique de la stagnation économique de l’Afrique noire francophone et la pauvreté qui en découle nécessite une étude de différents facteurs conjoncturels qui sont inhérents à l’Afrique. Mais selon notre vision, la corruption constitue un des plus importants et son étude nous permettra de voir pourquoi l’Afrique à échouer dans ses nombreuses tentatives d’enrayer la pauvreté.


[1] Andrew Mwenda journaliste a pu montrer que l’APD représentait 50% du budget annuelle de l’Ouganda, on imagine comment un pays pourrait alors se développer s’il n’a pas la maitrise d’une moitié de son budget voir http: / / www.cato.org/pubs/fpbriefs/fpb88.pdf Andrew Mwenda (10/11/2009)

[2] Dambisa Moyo, économiste, ex employée de la banque mondiale «l’aide fatale», Éditions JC Lattès 2009, page 64

A propos Bonaventure

Éthique Droit Aide humanitaire Philosophie morale
Cet article, publié dans Éthique de l'aide hummanitaire, est tagué , , , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

Laisser un commentaire